Bonjour les ami(e)s,
Il est des thèmes que j’aborde avec circonspection.
Un des sujets de l’épreuve de philosophie 2021 a ranimé en moi des souvenirs brûlants. Brûlants par les doutes qui l’accompagnent, et par la difficulté à en débattre à un niveau « universel ». Bien sûr, l’on disserte toujours à un niveau qui nous est propre, bridés par nos connaissances et nos cultures. Certaines facettes étant soit proprement escamotées par la sacro-sainte science, soit par les interdictions que nos penchants spirituels nous imposent.
La question « Sommes-nous responsables de l’avenir » aura sans doute paru d’une évidence certaine aux yeux de beaucoup de nos futurs bacheliers et fort à parier qu’une majorité s’est emparée de ce sujet à priori simple à traiter.
J’avoue que selon nos repères standardisés, une action exécutée en ce moment précis aura des répercussions demain, dans un an, et même dans un siècle... le fameux « effet papillon » cher à Edward Lorenz.
« Selon nos repères standardisés » est cependant une précaution oratoire bien nécessaire si le sujet ne peut être traité de façon universelle...
Je m’explique : que devient cette proposition si nous introduisons dans le débat les notions de destin ou de voyage dans le temps ? Vous comprendrez très vite que soudain, une tout autre logique s’installe...
Car bien sûr, la croyance ou non en un concept de continuité et d’irréversibilité du Temps est la clef de voûte de tout raisonnement cartésien. Que se passe-t-il si l’on s’octroie la liberté de ne pas adhérer à cette théorie si universellement reconnue ?
Le Temps et sa définition est donc la variable principale.
Je vous propose de lire ce qu’Ivan Chtov a à vous révéler sur ce sujet, même si je ne suis pas certain que son point de vue éclaircira nos esprits embrumés
Tiré de « Les carnets d’Ivan Chtov » de GF Spencer
Aux Éditions 7e Ciel
Illustration de Sacha Vausort
Le Temps...
Le passé est modifiable... Ces quatre mots de Marie m’ont fait découvrir que parfois, le vertige n’attend pas l’altitude. Serait-ce donc concevable ?
Le Temps...
Son existence, son irréversibilité, la conscience que nous en avons et ses principaux acteurs sont autant de sujets qui peuvent nous entraîner sur les chemins passionnés de l’écriture.
Le Temps... existe-t-il vraiment ?
Il existe, bien sûr. Et le fait que nous puissions le mesurer en est la preuve la plus évidente. J’ai écrit cette ligne en trente secondes. Le premier mot « il » fait donc partie du passé et a déjà commencé à vieillir, telle une photographie de cette feuille prise à l’instant « moins trente secondes ». Et pourtant, si je le désirais, je pourrais le faire disparaître. Si je substituais « il » par « le temps », le sens de ce chapitre ne changerait pas. J’aurais, par voie de conséquence, manipulé le temps, sans répercussions sur la suite de l’histoire.
Rien ne peut contredire ce raisonnement, sauf un minuscule détail dont nous avons à peine conscience. Le déplacement réalisé pour revenir sur ce premier terme et le modifier n’implique qu’un mouvement dans l’espace. Ce retour au début de la phrase, le gommage de ce mot, et son remplacement, c’est élémentaire.
Et si, au fil de la rédaction, chaque lettre s’effaçait dès que la suivante apparaît. Comment, dans ce cas, la corriger ? Ce serait tout simplement impossible.
Tout le concept du temps est là. Ce qui est écrit... est écrit, un point c’est tout ! Mais alors, comment l’histoire peut-elle être modifiable ? Que nous soyons capables de l’observer est une chose. Une photographie, un livre, des hiéroglyphes... tous ces objets sont autant de télescopes virtuels pointés vers les couloirs du temps. Le mot « modifiable » est, quant à lui, générateur d’autres questionnements. Le passé... comment le réinventer ? Par cette intervention, le présent ne serait-il pas aussi transformé ? Marie, Vincent, Julia et peut-être même cette ville seraient-ils encore là aujourd’hui ?
Le Temps... irréversible, vraiment ?
Et si un autre futur pouvait exister. Imaginons un instant que je puisse revivre une grande bataille, et que, par une légère modification des choix tactiques, je change l’issue de la guerre. Je produirais par cette action le départ d’un autre scénario. Une nouvelle ligne du temps serait alors tracée. Celle que nous connaissons serait-elle pour autant détruite? Deux histoires parallèles peuvent-elles coexister ?
Je ne le crois pas, et la raison de mes doutes est qu’il faudrait pour cela créer un monde alternatif. Avez-vous déjà vu deux pièces de théâtre différentes interprétées simultanément sur la même scène ? Impossible !
La partie serait rejouée dans son entièreté, et, pour autant que le calendrier ne soit pas, lui aussi, modifié, l’an mil huit cent soixante-cinq pourrait avoir un tout autre visage. Les Mexicains pourraient avoir envahi l’ensemble du continent d’Amérique du Nord, et la moitié des peuples parlerait aujourd’hui espagnol, ou nahuatl.
Le Temps... défie-t-il notre conscience ?
Marie m’a montré, par les tunnels de Saint-Michel, que des raccourcis à travers l’espace sont possibles. Et si ces voies présentaient plusieurs options ? Au lieu de réintégrer mon propre corps, mon esprit ne pourrait-il s’insinuer dans celui d’un autre être vivant, à un autre moment ?
La naissance de Marie, à la fin du XVe siècle, correspond-elle vraiment à sa première vie sur Terre ? N’est-elle pas déjà, depuis plus de trois cent cinquante ans, en train de modifier l’histoire dans un dessein que nous ne pourrions comprendre ?
Est-elle encore consciente d’avoir pris part à une existence ultérieure ?
Le Temps... un concept très relatif.
La simple question de la durée du voyage. Imaginons devoir retourner une minute en arrière. Combien de temps peut durer cet exercice ? Une minute ? La réponse paraît pourtant évidente. Ça ne peut être instantané. Mais si se transférer une minute plus tôt prenait une minute, accomplir cette prouesse n’aurait pas de sens.
Vécu par celui qui voyage, le concept du temps est très étrange.
Prenons pour exemple Marie. Si elle recule de trois cent cinquante années en arrière, et en supposant que cela dure six mois pour y arriver, aura-t-elle vieilli de six mois ?
L’être humain, guidé par ses connaissances biologiques et culturelles, aurait sans doute tendance à affirmer que si elle y arrive six mois plus tard, elle aura donc vieilli de six mois. Alors qu’au contraire, en termes de calendrier, elle aura rajeuni de trois cent cinquante ans !
Le Temps... au service de ses principaux acteurs ?
Dans maintes religions se retrouve ce concept de présence permanente du Saint-Esprit.
Ces voyages dans le temps ne nous fourniraient-ils pas l’ébauche d’un éclaircissement ? Une translation de ce jour à l’an zéro n’impliquerait-elle pas d’être présent spirituellement à tous les moments intermédiaires ?
Et si ces personnages que nous qualifions de prophétiques n’étaient autres que des envoyés du futur, ayant pour unique mission de modeler le cours du temps ?
Et bien au-delà encore, l’existence des dieux ne s’expliquerait- elle pas par cette nécessité de transmettre des messages à ces passagers du temps ?
Les cultes religieux n’ont-ils pas été créés de toutes pièces dans un but bien précis ? Et si l’idée de les regrouper en un seul est un jour émise, quel en sera le facteur déclencheur ? Un super messie ? Une intervention divine ? Ou une catastrophe planétaire ?
À ce stade de mes interrogations, il m’est toujours impossible d’imaginer les mécanismes de ces régressions. J’ai du reste une forte présomption que le corps ne peut supporter ce transfert, et que seul l’esprit pourrait en être capable.
Les couloirs du temps, habités par des esprits errants qui préparent le futur de l’humanité ? Belle théorie, aux multiples prolongements.
Plus j’y pense, plus ce sujet me taraude.
Ivan Chtov, 1865
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