Bonjour les ami(e)s,
En relation avec la sortie prochaine du roman "Abda et la fille de la pluie" d'Isabelle Malowé, voici un article de Leila A, très bien écrit, nous permettant de soulever un coin du tapis de mystères qui recouvre la vie des Touaregs. C'est fascinant. À l'instar des Dogons, dont un recueil de fables fut proposé récemment, ce peuple, aux traditions séculaires plus passionnantes les unes que les autres, nous invite au sein de leur monde minéral, naturel, silencieux et extrême. C'est aujourd'hui cette teinte si reconnaissable tirée de l'indigo que nous allons aborder, à travers cet article qui nous dévoile ses significations et utilités. Si ce sujet vous intéresse, nous vous invitons à rester connecté(e)s à notre blog en vous y inscrivant. D'autres publications s'y rapportant vous seront en effet proposées jusqu'à la date de sortie du roman prévue le 3 juillet. Merci d'avance !
Hautement codifiée chez les Touaregs, qu’ils soient nomades ou sédentaires du Tassili N’ajjer au Adagh des ifoghas, la beauté est conceptualisée. « Dans ce pays de désert, la beauté physique mise en mots poétiques a la vertu de l’ombre et de l’eau – elle désaltère ».
L’esthétique a longtemps été l’apanage de la noblesse qui se distingue par la sobriété et la tempérance. Le bouclier et le méhari pour l’homme, l’imzad pour la femme, sont autant des atouts que des marqueurs d’affiliation ; ils sont une extension du prestige, ils dictent l’attitude à tenir au sein de la société.
L’idéal esthétique des « hommes bleus »
Imprégné du monde minéral et du cosmos, la perception de la beauté chez les hommes bleus puise son inspiration et ses ressources dans la nature, elle en est l’imitation et le prolongement. Se confondre dans le cosmos est l’une des plus grandes vocations de l’homme bleu. Le rayonnement des qualités physiques font échos aux qualités morales et allégoriques. On les surnomme « Les hommes bleus » à cause de la teinte indigo qui caractérise leur apparence.
Avant sa synthétisation eu début de ce siècle, l’indigo était extrait de l’indigotier, une plante tinctoriale très prisée et onéreuse. Le processus de bleuissement était confié aux teinturiers haoussa de Kano au Nigeria. Tuniques, voiles et autres habits sont trompés dans l’indigo. Une fois portés, ils déteignent sur le visage, lui donnant un aspect particulier et mystérieux. Les tempes, les joues, les lèvres et les autres parties visibles sont également frottées avec El Taguelmoust (chèche). « Le noir bleuté (tasattaft) est en effet considéré comme la teinte des origines, celle du temps et de l’espace d’avant la naissance ».
La dialectique des hommes bleus repose sur le principe dichotomique : Chaud/ froid. Légèreté /apesanteur. Dextérité/nonchalance.
Cette union des contraires trouve son sens le plus éloquent à travers la symbolique de l’indigo. A la fois sombre et luisant, il est le parfait oxymore, traduisant la dynamique de l’éphémère inopiné et l’infini immuable.
La sphère cosmique guide les pas du nomade, elle est l’une des plus grande sources d’inspiration poétique : « le noir bleuté étincelant comme Pléiades à minuit ». L’indigo, la « septième couleur » de l’arc-en-ciel, a la vertu d’apaiser les esprits tourmentés et d’atténuer la rudesse du Ténéré. Elle permet aussi de se fondre dans l’univers. Une philosophie savamment entretenue, relevant d’une rigoureuse éducation qui berce l’imaginaire collectif et conditionne l’espace social. Les Touaregs conservent à l’abri de l’altération un idéal et un legs millénaire où l’apparat et l’attrait physique, ainsi que la sophistication façonnent l’identité de l’individu et souligne son appartenance.
La beauté, est l’un des thèmes d’inspirations les plus explorés depuis les ères anciennes. La perception du beau obéit sciemment aux convenances et à une dialectique schématisée, devenant une philosophie intrinsèque, un idéal esthétique et une quête de perfection.
Leila A
Comments